La pleine lune luit dans le ciel noir, répandant une lumière blanchâtre et froide sur la ville. Les rues sont désertes, il n'y a pas un bruit, tout le monde est cloitré chez soi. Toutes les maisons ont les volets bien fermés et seul un fin raie de lumière passe par les interstices. On entend parfois des murmures sourds derrière les portes verrouillées. Même les animaux qui se promènent d'habitude dans les rues la nuit évitent de sortir et rester tapis dans leurs cachettes. Même les clochers des églises sont silencieux, ils ne marquent plus chaque heure de la nuit comme ils le font ordinairement. La plaine autour de la ville est aussi déserte, éclairée par cette même lumière lunaire.

Un hurlement déchire le silence. C'est le signe que la Chasse est ouverte. La meute traverse la plaine en courant, furtifs et rapides sous la lune, les loups se répandent autour des murs de la ville et courent dans les rues. Le silence règne encore pour quelques minutes, avant que les portes les plus faibles ne soient enfoncées et que les loups entrent dans les maisons. Les enfants poussent des cris stridents, les hommes tendent vaillamment de se battre en vain...Il suffit de quelques minutes pour que la panique gagne tous les habitants, personne n'est à l'abri, les loups font un véritable massacre. Ceux qui n'ont pas pu se mettre bien à l'abri sont morts, les autres tremblent dans les caves ou derrière leurs portes, pendant des heures, jusqu'à ce que la lune se couche lentement.

Au matin, l'horreur apparaît moins terrifiante, moins frappante. Les habitants de Prague ont l'habitude, les attaques de loups sont mensuelles, chaque fois que la pleine lune se lève dans la nuit noire...Le chaos règne tous les mois dans cette ville, c'est ainsi et tous craignent les loups. Il semble que rien ne puisse les arrêter, que la ville, capitale de la Bohème, reste à leur merci, proie de leurs chasses...

La population, membres ordinaires ou nobles fortunés, est apeurée par les Loups, mais ils continuent leurs petites vies. Certains parmi eux cherchent à savoir où ils se trouvent, cherchent comment venir à bout des Loups, se prenant pour des tueurs de monstres. Mais sans grand succès. Quant au clergé, inutile de dire qu'ils essaient de se cacher, rester dans leurs monastères et oublier ce qui se passe tous les mois. Même si certains voient cela comme une réponse divine à la folie humaine, la résistance ne viendra pas d'eux et les Loups vont continuer leurs massacres...

N'y'a-t-il rien à faire pour empêcher les loups de ravager la ville ainsi ? Personne ne viendra dont en aide à ce peuple désœuvré ? Entrez dans Prague pour le découvrir, survivre ou massacrer, tel sera votre choix, dans la belle, la sauvage, Prague.

La ville était en fête depuis le début de la semaine, mercredi avait lieu l'équinoxe et tous fêtaient les derniers beaux jours et l'arrivée de la saison sombre. Tout le monde participait à cette semaine, chacun à sa façon, c'était un moment de paix et de calme dans la vie parfois mouvementée de certains pragois. La Grande Place de Mala Strana était couverte de décorations, de petites étales, de roulottes et d'autres boutiques ambulantes. C'était coloré, c'était animé, c'était beau. Car oui, si l'on faisait l'effort d'oublier les attaques mensuelles des loups, Prague était une ville magnifique. Beaucoup n'avaient plus le temps de voir la beauté de la ville, de ses bâtiments et châteaux.

Natasha était émerveillée, elle était venue de loin, avec sa caravane de marchands, pour traverser l'Europe. Les siens avaient mis les roulottes en place, avec les étales et les échoppes, ils vendaient des peaux, de la viande, des objets de chez eux, des paniers...Tout un tas de choses qui leur permettaient de vivre, des choses qu'ils fabriquaient sur la route, pendant les longues journées de voyage. Elle, elle était danseuse et musicienne, son rôle était d'amuser et d'attirer les gens. Mais ce matin-là, vieille de l'équinoxe, elle avait un peu de temps libre pour explorer la ville. Elle avait arpenté la place principale de long en large, vu toutes les boutiques, parlé à de nombreuses personnes. Elle adorait cette ville, elle y serait bien restée plus longtemps qu'une semaine...

A la fin de la matinée, elle avait exploré tout Mala Strana, autour de la Grande Place, rencontré des gens incroyables et invité beaucoup de ses rencontres à venir la voir cette après-midi et ce soir. Natasha passa le reste de la journée à jouer de la musique, à danser, jusqu'à ce que la nuit tombe et que les rues se vident...Jusqu'à ce qu'elle range avec les autres leurs marchandises, pour pouvoir aller dormir, avant de recommencer demain. Mais alors qu'elle retournait vers sa caravane, elle entendit un murmure, dans l'ombre d'une ruelle non loin d'elle. Natasha était du genre naïve, à aller vers les autres, pour faire connaissance, sans voir le mal chez les gens. Elle suivit ce murmure dans la ruelle, ignorant sur quoi elle pouvait bien tomber. Elle disparut dans le noir, ses pas étaient le seul son audible. Un cri étouffé, un bruissement de lutte, le bruit d'un corps qui s'écrasait lourdement sur le sol, puis le silence se fit soudain.

La pluie s'était abattu toute la nuit sur Prague et, au matin, les rues étaient trempées, boueuses quand il n'y avait pas pavés, et presque impraticables pour les chariots. Mais les pragois n'en avaient cure et reprirent leurs activités quotidiennes, en ce jour d'équinoxe. Une femme poussa un hurlement sonore alors qu'elle s'écartait de la Grande Place par l'une des ruelles adjacentes, des hommes accoururent à grandes enjambées, des officiers du bailli arrivèrent. Ils virent tous l'horrible spectacle et certains s'écartèrent ou fuirent, alors que les officiers essayaient de contenir les gens. La foule voulait voir ce qui faisait tant d'émoi, avant de le regretter amèrement...

Là, dans la boue, il y avait une femme complètement nue, défigurée, mutilée. On lui avait coupé les mains et arraché les yeux, elle baignait autant dans la boue que dans son propre sang. Ce qui attirait pourtant le plus le regard, c'étaient les mots que l'on pouvait lire, gravés à même la chair de la morte, sur son ventre à la peau blanche. "Gare à vous" était clairement lisible, en tchèque, un avertissement, mais à qui s'adressait-il...? Les fêtes de l'Equinoxe furent interrompues et on jugea de nature diabolique cet horrible crime. La ville toute entière l'apprit en quelques heures et les officiers du bailli commencèrent la traque du coupable...

Mais déjà, tous étaient affolés, la ville semblait paniquée. Y'avait-il une autre menace que les Loups à Prague ? Pleine lune ou pas, personne ne semblait à l'abri dans la grande Prague, l'horreur venait même des hommes et pas uniquement des bêtes...Un tueur sévit à Prague, qui sera sa prochaine victime...?